ARTICLE 774 BIS DU CGI ET NON-DÉDUCTIBILITÉ
DE CERTAINES DETTES DE RESTITUTION :
L’ADMINISTRATION FISCALE PUBLIE ENFIN
SES COMMENTAIRES
Pour mémoire, dans le cadre de la loi de finances pour 2024, un nouvel article 774 bis
a été introduit dans le Code général des impôts (CGI). Récemment, l’administration
a publié ses commentaires dans un BOFiP du 26 septembre 2024 (BOI-ENR
DMTG-10-40-20-20), précisant ainsi le champ d’application de l’article 774 bis du CGI.
La loi prévoit que la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont
le défunt s’était réservé l’usufruit n’est plus déductible de l’actif successoral
de ce dernier.
Sont également concernées les dettes de restitution contractées sur le prix de cession
d’un bien dont le défunt s’était réservé l’usufruit lorsque l’opération poursuit un objectif
principalement fiscal.
Ces dispositions s’appliquent aux successions ouvertes à compter du 29 décembre 2023.
En pareille hypothèse, la valeur de la dette de restitution est donc intégrée à l’actif
de succession pour être soumise aux droits de mutation par décès, qui sont à la charge
du nu-propriétaire, selon son lien de parenté avec l’usufruitier (déduction faite
des éventuels droits déjà acquittés lors de la transmission de la nue-propriété).
Le BOFIP est venu préciser que, s’agissant des clauses bénéficiaires de contrat
d’assurance vie qui se dénouent en quasi usufruit, l’administration fiscale exclue
expressément celle-ci du champ d’application du dispositif de l’article 774 bis du CGI
en indiquant que : « ces dispositions ne s’appliquent pas à la dette de restitution portant
sur une somme d’argent dont le défunt détenait l’usufruit pour avoir été institué
par le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie comme bénéficiaire en usufruit
des sommes dues au titre du dénouement de ce contrat ».
Cela se comprend dans la mesure où le bénéficiaire des sommes en quasi-usufruit
(conjoint survivant généralement) n’est pas à l’origine du démembrement : il ne s’est
donc pas réservé un usufruit de son vivant, celui-ci a été créé par le souscripteur
du contrat d’assurance vie.
Le même raisonnement devrait s’appliquer aux clauses bénéficiaires à options prévoyant
l’attribution de droits en usufruit, puisque celles-ci sont déterminées par le souscripteur
au profit d’une tierce personne qui en est le bénéficiaire.

 

S’agissant ensuite des stratégies visant à instituer un quasi-usufruit sur un bien qui n’est
pas par nature consomptible, le BOFiP indique que « la dette de restitution ne porte
sur une somme d’argent au sens de l’article 774 bis du CGI qu’en cas de cession du bien
démembré ou d’opération assimilable à une telle cession avec report de l’usufruit sur
le prix de cession ou sur le produit de la liquidation ».
Ainsi, en cas de donation d’un contrat de capitalisation avec réserve de quasi
usufruit conventionnel, dans la mesure où un rachat serait opéré, sur décision du quasi
usufruitier la dette de restitution entrerait alors dans le champ d’application de l’article
774 bis du CGI. La dette de restitution qui en résulterait serait donc non-déductible.
S’agissant enfin des quasi-usufruits institués sur le produit de cession d’un bien
préalablement démembré, le BOFiP précise que les dettes de restitution
en résultant sont déductibles à la condition que l’opération ne poursuive pas un objectif
principalement fiscal.
Sont ainsi visées « toute […] opération […] par laquelle le bien sur lequel le défunt
s’était réservé l’usufruit est liquidé sous forme d’une somme d’argent (exemples :
paiement ou remboursement d’une créance, rachat d’un contrat de capitalisation, etc.),
avec report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de la liquidation ».
A cet égard, il est indiqué que le but principalement fiscal peut être écarté par
un faisceau d’indices tels que :- Le temps écoulé entre le démembrement de propriété et la cession du bien démembré
ou de l’opération assimilable, cette durée étant également à apprécier à la lumière
de la variation à la baisse de la valeur des biens démembrés (exemples : valeurs
mobilières non garanties, contrat de capitalisation en unités de comptes) ;- Les motivations patrimoniales de la cession du bien ou de l’opération assimilable ; – La latitude laissée au nu-propriétaire en vue de décider tant de la cession que du sort
du prix de cession.

Dès lors, en cas de souscription démembrée de contrat d’assurance vie
ou de capitalisation, les rachats au-delà de la valorisation qui créeraient un quasi
usufruit (et les dettes de restitution qui en résulteraient) entreraient dans les cas
de déductibilité sous conditions. Il appartiendra alors aux co-souscripteurs de rapporter
la preuve que l’opération n’a pas pour but principal de diminuer la charge de l’impôt.
EN PRATIQUE :
Si le démembrement de la clause bénéficiaire ne pose pas de difficulté et n’est pas
concernée par l’article 774 bis du CGI, il en est autrement des autres cas évoqués
ci-dessus.
Ainsi, la réserve de quasi-usufruit conventionnel instituée par voie
de donation sur un contrat de capitalisation serait désormais à proscrire
car elle entrerait dans les cas de non-déductibilité (peu importe l’objectif
poursuivi).
De même, il conviendra d’être prudent lorsqu’un rachat au-delà de la valorisation
effectuée en quasi-usufruit sur un contrat d’assurance vie ou de capitalisation,
dont la souscription est démembrée (c’est-à-dire lorsqu’il est permis à l’usufruitier
de racheter au-delà de ses seuls droits en usufruit). En pareille hypothèse, pour faire
échec au principe de non-déductibilité, il conviendra de démontrer, dans les conditions
évoquées ci-dessus, que l’objectif ne poursuit pas un but principalement fiscal (nous
prévoyons par exemple dans nos conventions de démembrement que l’autorisation
du nu-propriétaire est nécessaire tant pour le rachat au-delà de la valorisation, que
pour la mise en place d’un quasi-usufruit sur ce rachat) et que celle-ci intervient après
un délai raisonnable et suite à des motivations patrimoniales

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