Axe de conflitEffet sur l’inflationEffet sur la consommationRéaction des banques centrales
USA vs ChineHausse modérée (+0,1 à +0,3 point) ponctuelle, concentrée sur biens importésBaisse significative : coût d’environ 1300 $/an par foyer américain ; baisse du pouvoir d’achat et de la confianceFed accommodante : baisses de taux préventives (ex. 3 baisses en 2019) ; priorité donnée au soutien de la croissance
Europe vs ChineHausse légère (+0,05 à +0,5 point) ponctuelle, concentrée sur certains biens industriels et électroniquesBaisse modérée, surtout via exportations pénalisées et climat de confiance dégradé. Croissance réduite d’environ 0,5 point de PIB potentielBCE accommodante : baisses de taux, assouplissement quantitatif ; priorité donnée au soutien économique (confiance, consommation) plutôt qu’à l’inflation ponctuelle
Europe vs USAHausse modérée (autour de +0,05 à +0,5 point) temporaire, limitée à certains produits spécifiques (automobile, luxe, produits agricoles)Baisse significative, surtout en Europe : perte estimée de 0,4 à 0,6 point de PIB ; consommation et investissement freinésBCE et Fed accommodantes : baisse préventive des taux, soutien marqué à l’activité économique pour éviter un scénario de stagnation prolongée

Conclusions clés :

  • Inflation : Généralement modérée, ponctuelle et localisée (biens importés spécifiques).

  • Consommation : Toujours négativement affectée (hausse des coûts, baisse de confiance).

  • Banques centrales : Priorité au soutien de l’activité économique (baisses de taux), acceptant une hausse ponctuelle des prix à court terme.

 

En synthèse, l’hypothèse examinée se vérifie dans une large mesure à la lumière des analyses économiques récentes. Une guerre commerciale engendre typiquement un choc inflationniste ponctuel : les droits de douane provoquent une hausse des prix importés pouvant relever temporairement l’inflation annuelle de quelques dixièmes de point​. Cependant, cet effet reste circonscrit dans le temps et souvent limité en ampleur, surtout comparé aux objectifs de 2 % des grandes banques centrales. Parallèlement, la croissance et la consommation intérieures subissent un contrecoup négatif. Les ménages voient leur pouvoir d’achat entamé (équivalent d’une taxe qui, aux États-Unis, a été chiffrée à plus de 1 000 $ par ménage​) et perdent confiance, tandis que les entreprises exportatrices et intégrées aux chaînes mondiales réduisent la voilure face aux barrières commerciales. Toutes les grandes institutions (FMI, banques centrales, instituts de conjoncture) s’accordent à dire qu’un conflit commercial majeur pèse sur la demande et l’investissement – les estimations évoquent des pertes de l’ordre de 0,5 à 1 point de PIB selon les zones concernées​. Les banques centrales, enfin, tendent à assouplir leur politique monétaire pour contrer ce choc adverse. La Fed américaine a abaissé ses taux à plusieurs reprises en 2019 en réaction à la guerre commerciale avec la Chine​, et la BCE en 2025 envisageait des baisses additionnelles face aux menaces tarifaires transatlantiques​. Ce biais accommodant s’explique par la nature du choc : il ne s’agit pas d’une surchauffe de demande, mais d’un stress sur les coûts et la confiance, qui risque de faire dévier l’inflation à la baisse à moyen terme faute de demande suffisante​. Ainsi, tant que la poussée de prix reste ponctuelle et que les anticipations d’inflation demeurent ancrées, les banques centrales peuvent justifier un soutien accru à l’économie sans trahir leur mandat de stabilité des prix. Elles restent toutefois attentives à ce que l’inflation transitoire ne se mue pas en un phénomène persistant : une vigilance sur les anticipations d’inflation est de mise, comme l’a souligné Jerome Powell​.

Critiquement, il convient de noter que l’issue exacte dépend de l’ampleur et de la durée de la guerre commerciale. Des tarifs très étendus et prolongés pourraient reconfigurer durablement les chaînes de valeur et réduire la concurrence internationale, avec le risque d’une inflation structurellement plus élevée sur le long terme​. À l’inverse, la montée des incertitudes peut engendrer une telle contraction de la demande (via un choc de confiance) qu’elle accentue les tendances déflationnistes – surtout si les banques centrales n’avaient plus beaucoup de marge pour agir. Dans les cas étudiés, cependant, la réponse observée a été cohérente : inflation en légère hausse au début, croissance en baisse, politique monétaire en soutien. Une formule résume bien la situation : « les droits de douane provoquent une hausse des prix au moins temporaire, mais la chute de la demande fait passer les préoccupations d’inflation au second plan »​. En définitive, une guerre commerciale tend à stagfler légèrement l’économie (un choc de stagflation modérée), et la réaction rationnelle des banques centrales est d’atténuer la composante « stagnation » par des taux plus bas, en pariant que la composante « inflation » s’éteindra d’elle-même. Les expériences américaine et européenne récentes confirment ce schéma, tout en rappelant la nécessité d’éviter ces conflits coûteux : selon le FMI, l’escalade tarifaire de 2018-2019 a réduit le PIB mondial de près de 0,8 % par rapport à son niveau potentiel​– un frein dont il vaut mieux se passer, surtout en période d’inflation déjà élevée ou de faible croissance.

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